La petite enfance est un moment privilégié pour l’apprentissage et la découverte. On entend cependant tout et son contraire sur les possibilités du jeune enfant à apprendre une langue étrangère dès la maternelle. Voici un article qui décrypte en profondeur cette question.

«Ce qui n’est pas appris durant l’enfance…»

enfant qui apprend sur un banc

« … ne le sera pas après », dit un proverbe allemand.

Il faut dire que la petite enfance est une période particulièrement propice aux stimulations cognitives. Des études ont prouvé qu’un apprentissage dès la petite enfance, quel qu’il soit et quel que soit le sujet, pouvait générer des résultats particulièrement élevés par la suite. On pense notamment à la découverte de la musique dès le plus jeune âge, ou encore de certaines disciplines sportives. Mais en est-il de même pour une langue étrangère ?

Frédéric Bablon, dans son ouvrage Enseigner une langue étrangère à l’école (2004), écrit : « La recherche […] a montré que l’apprentissage précoce d’une langue étrangère en milieu institutionnel, même à raison d’une heure par semaine, a un effet positif sur le développement cognitif de l’enfant. »

Apprendre une langue étrangère dès son plus jeune âge semble donc globalement positif pour l’enfant ; est-ce pour autant réellement possible ?

De nombreuses difficultés et inégalités sont à prévoir

Dans les faits, il existe de multiples obstacles à l’apprentissage d’une langue étrangère à l’école. Le premier est bien sûr le niveau inégal des jeunes enfants et la prédisposition de certains face aux difficultés des autres. Cette « inégalité cognitive » est souvent très marquée en maternelle, et peut être exacerbée par des inégalités d’ordre social ou sociétale.

L’autre pan des difficultés se situe davantage au niveau de l’enseignant, qui n’a pas toujours été formé avec succès à une ou plusieurs langues étrangères, et encore moins à des méthodes pédagogiques efficaces pour enseigner ces langues. On note d’ailleurs, en France, que les enseignants de la maternelle et du primaire sont généralement peu à l’aise avec les LE (Langues Etrangères).

Il est aujourd’hui relativement aisé de progresser par soi-même dans l’apprentissage d’une langue étrangère, car de nombreux sites gratuits existent, par exemple hoy-espagnol.com pour l’apprentissage de l’espagnol. Mais entre apprendre une langue et savoir la transmettre à un jeune enfant dont la capacité de concentration, la différence est grande.

Les programmes scolaires français restent d’ailleurs assez prudents sur l’apprentissage de la langue étrangère en maternelle, et F. Bablon, dans l’ouvrage précédemment cité, note ainsi : « Dans les programmes actuels, il n’est question que d’un « premier contact avec une langue étrangère ou régionale ». En outre, la plupart des tests ont montré que la LE lors de la petite enfance devait être enseigné par petits groupes de 8 enfants maximum. Ce genre de petit groupe n’est pas toujours possible au sein des écoles maternelles, en raison d’un manque de moyens évident.

Et qu’en pensent les enfants ?

Parce que ce sont les principaux concernés, il est important d’observer les réactions des jeunes enfants face à ces mots et sons différents. Comment perçoivent-ils ces phonèmes qui doivent forcément leur sembler étranges à première vue, car étrangers ?

L’enseignante Françoise DELPY, dans un rapport intitulé « Les langues étrangères dès la maternelle ? » et paru en 2005 dans la revue Spirale (rapport consultable en ligne), affirme que le principal avantage d’un démarrage précoce d’une langue étrangère est « le profil affectif des enfants. Leur enthousiasme, leur curiosité, leur fréquent plaisir à parler facilitent le développement d’une attitude positive face à la nouvelle langue. »

La petite enfance est le lieu d’une curiosité sans bornes de l’enfant, qui se frottera généralement avec joie à ces nouveaux mots, sons et comptines. Ainsi Frédéric Bablon observe que « motivation et plaisir [des enfants] étaient toujours au rendez-vous, les enfants chantaient, disaient, faisaient, construisaient du sens donc».

Ces spécialistes notent aussi qu’il faut faire la part des choses entre l’initiation à une langue étrangère dès la maternelle et le réel apprentissage d’une langue étrangère, qui interviendra seulement durant le cycle primaire.

La petite enfance est un moment propice pour poser des bases phoniques et pour éveiller la curiosité de l’enfant, mais pas pour sûrement pas pour faire de l’enfant un apprenant qui compte, chante et répète en anglais ou en espagnol. Cela n’a pas ni de sens, ni de réel d’intérêt pour son développement personnel.